La
Pastorale d'Issy, sur un livret de Pierre
Perrin, qui la présenta comme la "Première
Comédie Française en Musique représentée en France",
et une musique de Robert Cambert.
Elle fut représentée à Issy, dans la propriété de monsieur de
la Haye, maître d'hôtel de la Reine.
La
Pastorale d'Issy mérite une mention spéciale dans l'histoire
du théâtre lyrique en France, puisqu'elle apparaît comme la première
tentative de création d'un opéra français. La musique y est présente
du début à la fin et le livret a été pensé de manière à ce que
l'intrigue puisse progresser en musique. Jusque-là, en France,
c'est au dialogue de théâtre qu'était réservée la narration et
la progression de l'intrigue.
La
Pastorale d'Issy est un petit spectacle, donné chez un particulier,
mais qui illustre les théories novatrices de Pierre Perrin. Le
Père Ménétrier la décrivi : comme "14
chansons que l'on avait liées ensemble comme on avait pu".
Probablement le résultat n'était pas encore véritablement abouti,
de plus le père Ménétrier était un passionné de ballet, mais les
explications de Perrin montrent une réflexion très élaborée sur
les moyens de conduire une intrigue en musique car c'est de cela
qu'il s'agissait. La question que posait l'opéra était : comment
faire progresser l'histoire en ne conservant aucune partie déclamée
? Perrin y a répondu à sa façon :
"...
j'ay composé ma Pastorale toute de pathétique
et d'expressions d'amour, de joye, de tristesse, de jalousie,
de désespoir ; et j'en ay banni tous les raisonnements graves
et mesme toute l'intrigue ; ce qui fait que toutes les scènes
sont si propres à chanter, qu'il n'en est point dont on ne puisse
faire une chanson ou un dialogue".
La
première solution fut donc de simplifier l'intrigue, d'où le bannissement
des raisonnement graves, d'exacerber les sentiments afin qu'il
fussent plus immédiatement compréhensible et sans ambiguïté. Il
parle de "chansons" et de "dialogues", ce
qui montre le choix d'une alternance pareille à celle que l'on
trouve dans l'opéra italien, entre des récitatifs et des arias.
Les dialogues son chantés, mais il explique à leur propos qu'il
est "de la prudence du Musicien
de ne pas leur donner entièrement l'air de Chansons, et de les
accomoder au Style du Théâtre et de leur représentation".
Perrin
réfléchit également au moyen d'adapter le langage à la musique.
Il écrit:
"...
les vers courts et remplis de césures et de rimes sont plus propres
au chant et plus commodes à la voix qui reprend son haleine plus
souvent et plus aisément. J'ajouste à cela qu'estant plus variez,
ils s'accomodent mieux aux variations continuelles que demande
la belle musique.[...] Ce qui m'est pareillement singulier
en cette comédie ; c'est ma manière praticulière de traitter
les paroles de musique françoise, dans laquelle il y a des observations,
des délicatesses jusqu'ici peu connuës et qui demandent un art
et un génie tout particulier."
C'est
donc la recette qu'applique Perrin à cette pastorale. Une recette
qui semble fonctionner à merveille, puisque Mazarin en demanda
une représentation à Vincennes, devant le Roi. Laissons à Perrin
la conclusion de ce chapitre :
"Quoy
qu'il en soit j'ay l'avantage d'avoir découvert et défriché cette
terre neuve et fourny à ma nation un modèle de comédie françoise
en musique".
C'est
grâce au succès obtenu par cette pastorale, et pour avoir
émis l'idée, dans la préface d'un recueil de Paroles
de Musiques dédié à Colbert, de créer une Académie de
Musique et de Poésie pour "examiner
et fixer les règles de cet Art, si utile pour l'avancement et
pour la conciliation de la Poésie et de la Musique",
que Perrin se vit confier, quelques années plus tard, le privilège
sur la création de l'Académie d'Opéra.

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