La Pastorale d'Issy

de Pierre Perrin & Robert Cambert
mars 1659

 

 

La Pastorale d'Issy, sur un livret de Pierre Perrin, qui la présenta comme la "Première Comédie Française en Musique représentée en France", et une musique de Robert Cambert. Elle fut représentée à Issy, dans la propriété de monsieur de la Haye, maître d'hôtel de la Reine.

La Pastorale d'Issy mérite une mention spéciale dans l'histoire du théâtre lyrique en France, puisqu'elle apparaît comme la première tentative de création d'un opéra français. La musique y est présente du début à la fin et le livret a été pensé de manière à ce que l'intrigue puisse progresser en musique. Jusque-là, en France, c'est au dialogue de théâtre qu'était réservée la narration et la progression de l'intrigue.

La Pastorale d'Issy est un petit spectacle, donné chez un particulier, mais qui illustre les théories novatrices de Pierre Perrin. Le Père Ménétrier la décrivi : comme "14 chansons que l'on avait liées ensemble comme on avait pu". Probablement le résultat n'était pas encore véritablement abouti, de plus le père Ménétrier était un passionné de ballet, mais les explications de Perrin montrent une réflexion très élaborée sur les moyens de conduire une intrigue en musique car c'est de cela qu'il s'agissait. La question que posait l'opéra était : comment faire progresser l'histoire en ne conservant aucune partie déclamée ? Perrin y a répondu à sa façon :

"... j'ay composé ma Pastorale toute de pathétique et d'expressions d'amour, de joye, de tristesse, de jalousie, de désespoir ; et j'en ay banni tous les raisonnements graves et mesme toute l'intrigue ; ce qui fait que toutes les scènes sont si propres à chanter, qu'il n'en est point dont on ne puisse faire une chanson ou un dialogue".

La première solution fut donc de simplifier l'intrigue, d'où le bannissement des raisonnement graves, d'exacerber les sentiments afin qu'il fussent plus immédiatement compréhensible et sans ambiguïté. Il parle de "chansons" et de "dialogues", ce qui montre le choix d'une alternance pareille à celle que l'on trouve dans l'opéra italien, entre des récitatifs et des arias. Les dialogues son chantés, mais il explique à leur propos qu'il est "de la prudence du Musicien de ne pas leur donner entièrement l'air de Chansons, et de les accomoder au Style du Théâtre et de leur représentation".

Perrin réfléchit également au moyen d'adapter le langage à la musique. Il écrit:

"... les vers courts et remplis de césures et de rimes sont plus propres au chant et plus commodes à la voix qui reprend son haleine plus souvent et plus aisément. J'ajouste à cela qu'estant plus variez, ils s'accomodent mieux aux variations continuelles que demande la belle musique.[...] Ce qui m'est pareillement singulier en cette comédie ; c'est ma manière praticulière de traitter les paroles de musique françoise, dans laquelle il y a des observations, des délicatesses jusqu'ici peu connuës et qui demandent un art et un génie tout particulier."

C'est donc la recette qu'applique Perrin à cette pastorale. Une recette qui semble fonctionner à merveille, puisque Mazarin en demanda une représentation à Vincennes, devant le Roi. Laissons à Perrin la conclusion de ce chapitre :

"Quoy qu'il en soit j'ay l'avantage d'avoir découvert et défriché cette terre neuve et fourny à ma nation un modèle de comédie françoise en musique".

C'est grâce au succès obtenu par cette pastorale, et  pour avoir émis l'idée,  dans la préface d'un recueil de Paroles de Musiques dédié à Colbert, de créer une Académie de Musique et de Poésie pour "examiner et fixer les règles de cet Art, si utile pour l'avancement et pour la conciliation de la Poésie et de la Musique", que Perrin se vit confier, quelques années plus tard, le privilège  sur la création de l'Académie d'Opéra.