Charlotte-Elizabeth de Bavière,
Princesse Palatine
(1652-1722)

par Melodoro

 

 

La Princesse électorale du Palatinat Elisabeth-Charlotte, ensuite universellement connue comme Madame Palatine (1652-1722), épousa le Duc d’Orléans, frère de Louis XIV, en 1671. Arrachée pour des raisons politiques à sa petite cour provinciale, sous les lambris de Versailles elle (laide, basse, replète et à la manière très brusque) devait faire un curieux effet. Insouciante de la simulation et dissimulation de la vie courtisane, avec son franc-parler elle s’acquit bientôt le surnom de "Paysan du Danube"; elle gagna pourtant l’estime inconditionnelle de l’autre grande épistolière du Grand Siècle, Mme de Sévigné. Son mari étant plongé dans le jeu et dans la fréquentation intensive des hommes (entre lesquels Philippe de Lorraine avait la place d’honneur), étant pour la plupart du temps isolée, elle se consacra à l'élevage d'animaux (elle croyait qu’ils avaient l’âme immortelle) et à écrire à ses nombreux familiers et amis, tous les jours, d'interminables lettres, dans lesquelles elle dévoilait même dans les détails les plus cuisants la vie de la cour. Après avoir découvert que toutes ses lettres étaient interceptées à la frontière, traduites et envoyées au Roi, elle se mit à écrire aussi en français, pour que les temps dus à la traduction n’empêchassent l’arrivée en temps voulu de ses lettres aux correspondants. On a calculé qu’elle a écrit au moins 60.000 lettres, dont quelque 6.000 sont conservées; 850 d’elles (à son surintendant Étienne Polier de Bottens, à Sophie Dorothée de Prusse, à la Duchesse de Lorraine, à la fille d’honneur Marie-Elisabeth de Ludres…) sont en français. Cette activité d’épistolière, d’abord assez bien tolérée par Louis XIV, nous fait voir, avec plus d’objectivité que Saint-Simon, le revers des splendeurs de Versailles. La haine, tout à fait réciproque, de Mme de Maintenon à son égard combla d’amertume ses dernières années, et lui rendit ennemi même le Roi.

Pour avoir toujours refusé de prendre part à la vie politique elle fut accusé, à son époque, d’être oisive et incapable ; et le XIXe siècle en fixa l’image méchante de la "Commère de France".

Liseuse inlassable, curieuse de numismatique et d’histoire, très bonne amie de l’Abbé de Choisy (qui lui dédia La Nouvelle Astrée), spectatrice passionnée de pièces de théâtre et d’opéras, connaisseuse des nouvelles inventions (entre lesquelles le microscope) et de musique, pleine de bon sens et indépendante dans ses jugements, elle a été en réalité un des personnages les plus aimables du Grand Siècle, et un des témoins les plus précieux de ce temps.

Survivant au Duc d’Orléans, au Roi et à Mme de Maintenon, elle mourut en 1722 avec grande dignité.