Le Ballet Comique de la Reine

15 octobre 1581

 

 

Voir aussi Les Fêtes pour le mariage du Duc de Joyeuse.

Ballet de Baltazar de Beaujoyeulx. Vers du père La Chesnaye, aumônier du Roi. Musique instrumentale, le bassiste et luthiste Lambert de Baulieu, et François Cajetan, un disciple de du Baïf qui disait composer une musique "mesurée". Musique vocale de Jacques Salmon, chantre et valet de la chambre du Roi.  Décors de Jacques Patin, peintre du Roi. Beaujoyeulx a conçu son ballet comme une oeuvre d'art totale en laquelle devaient se mêler de façon harmonieuse les disciplines qu'étaient la danse, la musique et la poésie. Le Ballet fut conçu comme une action parlée et chantée. Dans son introduction, Beaujoyeulx écrivait : Il ne faut tout attribuer au ballet sans faire tort à la comédie... Ainsi, j'ai animé et fait parler le ballet et raisonner la comédie et, y ajoutant plusieurs rares et riches représentations et ornements, je puis dire avoir contenté en un corps bien proportionné l'oeil, l'oreille et l'entendement.

L'argument : Les enchantements de la magicienne Circé.

Prologue : un gentilhomme échappé du Palais de la magicienne Circé vient demander au Roi de France son aide.

Intermède : Trois sirènes et un triton chantent à quatre voix, et le choeur de la voûte dorée répond.

PREMIERE PARTIE

Entrée d'un char portant une fontaine cascadante porte sur une plate-forme le compositeur Baulieu dans le rôle de Glaucus, qui s'accompagne à la lyre, et sa femme dans celui de Thetys. Au-dessus, la reine Louise, sous un dais d'or, figure une Néréide. Autour d'elle, onze autres Néréides. Le char fait le tour de la salle et sort.

Ballet géométrique à douze passages, exécuté par les nymphes qui entrent accompagnées de violons et de pages porte torches.

Entrée en scène de Circé qui pétrifie les 12 danseuses et leurs compagnons. On entend le tonnerre et un nuage descend portant le dieu Mercure. Mercure rend mouvement aux pétrifiés, mais Circé intervient et pétrifie a nouveau tous les protagonistes, Mercure compris. La magicienne emmène ses prisonniers dans son château. Le rideau de fond tombe, et l'on voir le Palais de Circé illuminé. Circé y parade en vainqueur,  Mercure étendu à ses pieds. Autour d'eux, les autres prisonniers qu'elle a transformés en animaux.

DEUXIEME PARTIE

Intermède : exécuté par huit satyres flûtistes et chanteurs

Entrée d'un char sur lequel se trouvent des Dryades. L'une fait appel à Pan qui promet son aide.

Intermède lyrique : quatre vertus chantent avec réponses de la voûte dorée.

Entrée de Minerve sur un char tiré par un dragon. Elle salue le Roi, appelle Jupiter. Celui-ci monté sur un aigle descend dans un bruit de tonnerre accompagné d'éclairs. Il salue le Roi, son fils, convoque Pan qui, accompagné de ses satyres, attaque le château de la magicienne. Circé est faite prisonnière, et elle accepte de se rendre au Roi. Les révoltés

Ballet final : Les Dryades vont chercher les Néréides prisonnières. En tête, la reine Louise mène sa soeur, la jeune mariée, par la main (rappelons que ce ballet était donné à l'occasion des noces du duc de Joyeuse avec mademoiselle de Vaudémont, jeune soeur de la reine). Le ballet s'organise selon des figures géométriques et comprend 40 passages.

Il s'agit d'un ballet allégorique et symbolique dans la manière du temps. Il a pour but de divertir tout en faisant l'éloge du souverain. Le Roi de France, qui en est spectateur est inscrit dans le ballet : les dieux qui font leur entrée en scène s'adressent le saluent, et les prisonnier viennent se prosterner à ses pieds.


La gloire du Roi est célébrée. Les satyres chantent :
Allez, ô nymphes des bois
Devers l'honneur des Valois,
De qui la grandeur royale
A celle des Dieux s'égale.

Et Jupiter :
Chère Pallas, fille, regarde-moy,
Demeure icy, tu es soeur de ce Roy,
Ce Roy mon fils, fleur du sceptre de France :
Fay des regards de Meduse changer
Ses ennemis, & son peuple ranger
Sous sa loy juste, humble d'obeissance.

Beaujoyeulx, Baldassarino di Belgioioso, dit Balthasar de Beaujoyeulx, (Piémont début du XVIe xiècle - 1587). Violoniste, maître de ballet et chorégraphe. Il fut introduit à la cour de France par le maréchal de Brissac, en 1557. En 1567, il était valet de chambre de Catherine de Médicis, puis de Marie Stuart. Il fréquentait l'Académie créée par Du Baïf .

 

Document fourni par Melodoro :

Agrippa d'Aubigné ou les hypothèses sur l'identité de l'auteur du livret du Balet Comique.
Texte tiré de l'ouvrage d'Agrippa d'Aubigné, Sa Vie à ses Enfants, édition critique préparée par Gilbert Schenck. Société des Textes Français Modernes, 1986. P. 85 :

[1575] […]

Ce voyage donna une grande familiarité à Aubigné avec Monsr. de Guise (120), ce qui ne nuisit point à le maintenir en la Cour, et en acroistre une plus grande entre son Maistre et le Duc. Ces deux princes couchoyent, mangeoyent et faisoyent ensemble leurs mascarades, balets et carousels, desquels Aubigné seul estoit inventeur; et des ce temps il dressa le project de la Circé (121), que la Royne mere ne voulut pas executer pour la despence: et despuis le Roy Henri troisiesme l’executa aux nopces du Duc de Joyeuse (122).

Notes

120. Henri Ier de Lorraine, duc de Guise, dit le Balafré (1550-1588). Dans son H[istoire] U[niverselle], d’Aubigné affirme également qu’il "estoit uniquement aimé des deux frères Guisarts [Henri et le duc de Mayenne] pour la danse, pour les balets qu’il inventoit et les entreprises qu’il leur dressoit à cheval et à pied, comme aussi il leur servoit d’un des meilleurs hommes de barrière, de tournoi et de bague".

121. Circé avait été créée en septembre 1573 à l’occasion de la réception de l’ambassade polonaise en France, mais en raison du coût de sa réalisation, elle ne fut pas représentée (cf. H[istoire] U[niverselle], VII, 118). Elle le sera cependant en 1581, aux noces de Joyeuse et P. de l’Estoile en fit un vibrant éloge (JH III [Journal], 280). En 1582, la pièce fut imprimée sous le titre de Ballet comique de la Reine et sous la signature de B. de Beaujoyeulx et de La Chesnaye, sans mention d’A. d’Aubigné (cf. F. Joukovsky, "De qui est le livret du Ballet comique de la Reine?", ds B[ibliothèque] [d’]H[umanisme] [et] R[enaissance], 38 (1976), 343-4).

122. Anne, duc de Joyeuse (1561-1587), un des favoris de Henri III, épousa le 24 septembre 1581 la soeur de la reine, Marguerite de Lorraine.