Ce
jour 15e de ce mois, M. le comte d'Auvergne, M. de Nevers, le
Comte de Sommerive, le conte de Cramail et quelques autres princes
et seigneurs, firent ung balet composé de Sept fols et
de Sept sages. Ils allèrent premièrement au Louvre,
où ils jouèrent devant le Roy, puis sur Madame d'Angoulesme,
chez M. de Rosni et sur le Lieutenant Civil Miron, qui avoit assemblé
grande compagnie de dames et demoiselles des plus galantes de
Paris (qu'on appele ainsi, en ce temps, pour couvrir la honte
du nom commun qu'on leur donne), où il advint un grand
scandale par MM. de Victri, Créqui et autres seingneurs
et gentilshommes, qui pour entrer mirent le feu à la porte
et entrèrent, avec leurs épées nues au poing,
dans la salle du bail, en laquelle étoit monseingneur le
Prince de Condé : de quoi touste la feste fut fort troublée.
P.
de L'Estoile, Mémoires-Journaux pour le règne
de Henri IV.

Il
ne reste de ce ballet que ces pièces en vers anonymes :
Nous
avons emploié la plus part de la vie
A congnoistre des cieux les divers mouvemens
Et de tous les secrets qu'apprend l'Astrologie,
A découvrir la cause et les événemens.
Mais,
voians les clartés dont ceste Court abonde,
Nous sommes estonnés parmi tant de flambeaux,
Et crions fermement que c'est un autre monde,
Puis qu'on void un soleil et des astres nouveaux.
Beaux
astres, vous pouvez beaucoup plus sur les hommes
Que tous les cieux ensemble et les destins plus doux,
Puisqu'un seul d'entre vous, de sages que nous sommes,
Nous ôte la raison et nous fait venir fous !

De tant de
fous qu'on void en France
Et de ceux qui font les prudens,
Il n'y a point de différence
Que de barbe et d'habillemens :
Car chacun a sa maladie,
Qui le possède et le manie !
Mais quels
sont les plus fous ou sages ?
Dites, Messieurs les entendus :
Ou ces fous riants et volages,
Ou ceux qui les ont entendus,
Et qui, pour avoir une folie,
Auront la toux et la chassie ?
Ces fous,
donc, qu'on void à la danse,
Ne sont pas des fous tout-à-fait :
Ils sont plus sages qu'on ne pense,
Puisqu'ils sont fous quand on leur plaist ;
Et la sagesse et la folie
Leur tienne bonne compagnie.
La plus part
du monde s'appreste
Pour se rire de son prochain ;
Mais tel est souvent une beste
Qui fait bien le sage mondain :
Car chacun a sa maladie
Qui le possède et le manie !

Vous
qui cherchez les lieux
Des bois plus agréables,
Et qui charmez vos yeux
Des beautés admirables,
Contemplez ce bois-ci,
Cause de mon soucis.
Tout
ce qu'on peult avoir
D'amour et de délice,
Que nature peut voir
De beau, sans artifice,
Se loge en ce bois-ci,
Cause de mon soucis.
Au
bois si désiré,
Nourrisson de ma vie,
Ne rends désespéré
Ung que l'amour convie
De graver son souci
Au coeur de ce bois-ci !
Deux
soleils esclairans
Luisent sur son feuillage,
Et les rais transparans
Chassent l'obscur ombrage.
C'est pourquoi ce bois-ci
Cause tout mon souci.

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