Par
lettre patente du 28 juin 1669, Pierre Perrin se vit attribuer
le Privilège royal pour l'établissement
des Académie d'Opéra ou Représentations en Musique en Vers françois,
et dans les autres villes du Royaume. Ce privilège
était établi pour une période de douze années.
Perrin
Par
ce privilège, Perrin devint la seule personne autorisée à donner
de représentation lyriques dans tout le Royaume. Ce monopole sur
l'organisation des représentations lyriques changea la face de
la musique française puisque l'opéra, à partir de ce jour, fut
tout entier mis entre les mains d'un seul homme.
En
ce qui concerne le fonctionnement, l'Académie, contrairement aux
Comédiens français et italiens, qui étaient pensionnés par le
Roi, l'Académie devait vivre de ses propres recettes.
Perrin
établit son Académie sur le terrain du Jeu de Paume et de la Bouteille,
entre la rue des Fossés-de-Nesles et la rue de Seine. En cinq
mois il y fit construire, par Henry Guichard, l'Intendant des
Bâtiments du duc d'Orléans, un Théâtre capable de recevoir les
machineries nécessaires aux effets.
Il
recruta de chanteurs : Beaumavielle, Clédière, Miracle, Rossignol,
Tholet, & Mesdemoiselles de Cartilly et Marie Aubry. Ce fut
la première troupe de l'Opéra.
Perrin
qui était librettiste s'était associé avec le compositeur Robert
Cambert. La Première oeuvre à laquelle ils travaillèrent pour
l'opéra fut Ariane. Les répétitions avaient commencé
quand il fut décidé qu'il joueraient une autre pièce et en trois
mois Cambert dut composer une autre musique sur un autre des livrets
de Perrin, et ce fut Pomone, qu'on représenta le
3 mars 1671.
Perrin
et Cambert furent les inventeurs, en France de l'opéra, avec arias
et récitatifs. Pomone fut un énorme succès.
Et le privilège de Perrin eut pu lui rapporter énormément s'il
n'avait pas eu la mauvaise idée de s'associer avec de fâcheux
personnages dont l'un, le marquis de Sourdéac, dont les rapports
de police montrent l'immoralité et la brutalité - il avait à son
actif une douzaine d'assassinat, mais étant de haute naissance... -,
et Champeron, qui était un escroc notoire, et de leur confier
la gestion de la salle. Tandis que le spectacle était un succès,
que le public était au rendez-vous, les artistes, brutalisés par
Sourdéac, n'étaient pas payé. Dans le même temps Perrin, qui avait
fini par vendre son privilège à ses associés ainsi qu'à d'autres
personnes, se retrouva emprisonné pour dettes. L'affaire se termina
par la rachat du privilège par Lully. Le théâtre fut fermé. Cambert
dû s'exiler en Angleterre - c'est là qu'Ariane fut représentée.
Lully
Racheter
le privilège de Perrin n'était pas tout. Encore fallait-il à Lully
obtenir l'assentiment du Roi. Colbert, qui avait pourtant soutenu
Perrin dans ses démarches, sembla, à ce moment, ne plus trouver
aussi pertinente l'idée de mettre un privilège sur la production
opératique. Il écrivit à ce propos :
"Il est plus à propos, pour perfectionner
les François dans l'étude de la Musique, de laisser à tout le
Monde la faculté de composer des Opéras, de même qu'il se pratique
pour les Comédies et les Tragédies, que chacun fait telles qu'il
lui plaît". Il avait tout à fait raison, et peut-être,
reconnaissait-il à retardement la première erreur d'avoir encouragé
cette pratique. Mais Lully fit tant et si bien pression, qu'il
finit par avoir l'accord du Roi.
Le
13 mars 1672, fut officiellement rédigé et signé l'acte qui accordait
à Lully le privilège sur l'opéra et le nommait à la direction
de l'Académie de Musique, devenue "Royale":
"A ces causes, bien informez de
l'intelligence et grande connoissance que s'est acquis nostre
cher et bien-aimé Jean-Baptiste Lully, au fait de la musique,
dont il Nous a donnez et donne journellement de très-agréables
preuves depuis plusieurs années qu'il s'est attaché à nostre service,
qui Nous ont convié à l'honorer de la charge de surintendant et
compositeur de la musique de nostre chambre ; nous avons
au dit sieur Lully, permis et accordé, permettons et accordons
par ces présentes signées de nostre main, d'establir une Académie
Royalle de musique dans nostre bonne ville de Paris..."
La lettre patente précise plusieurs points, que ce privilège est
accordé à Lully à vie, qu'il est transmissible à celui de ses
héritiers qui aura également la charge de surintendant. Le roi
permet également à Lully de présenter au public les oeuvres qui
auront été jouées devant lui, à la réserve qu'il ne pourra utiliser
les musiciens de la Cour.
Durant
les premières années de sa gestion, il obtint l'aide financière
et l'appui du monarque qui finançait les répétitions et les décors.
Lully profita de son privilège pour restreindre et interdire le
développement de toute les troupes qui eussent pu lui faire de
l'ombre. Plusieurs Ordonnances témoignent des mesures drastiques
prises pour réduire à néant toute autre entreprise lyrique que
la sienne :
"Sa
Majesté voulant que le sieur de Lully puisse paisiblement jouir
du Privilège qui lui a été accordé par ses Lettres Patentes du
mois de Mars 1672 pour l'établissement de l'Académie royale de
Musique, avec défense à toute personne d'établir des Opéra dans
quelque lieux du Royaume que ce puisse être, sans la permission
dudit sieur de Lully ; & comme par plusieurs Ordonnance,
notamment par celle du 27 juillet 1682. Elle a fait défense à
ses Comédiens français & Italiens, de se servir d'aucunes
Voix externes pour chanter dans leurs Représentations, ni de plus
de deux Voix d'entr'eux ; Comme aussi d'avoir un plus grand
nombre de Violons que six, ni de se servir d'aucuns Danseurs dans
leurs Représentations."
L'opéra,
conforté dans sa position d'exclusivité joua exclusivement les
oeuvres de Lully. Celui-ci permit toutefois à Pierre Gauthier,
en 1684, d'ouvrir une Académie d'opéra à Marseille.
En
1673, après la mort de Molière, Lully chassa la troupe du comédien
de la salle du Palais Royal et y installa l'opéra.
Francine
A
la mort de Lully, en 1687, c'est son gendre Jean Nicolas de Francine
qui obtint le privilège. Sous sa gestion l'opéra se développa
un peu partout puisque celui-ci autorisa les ouvertures d'Opéras
à Lyon, Lille, Bordeaux, Rouen. Francine n'étant pas compositeur,
il fit jouer des oeuvres de Louis Lully, Collasse, Elisabeth Jacquet
de la Guerre, Charpentier. Malgré ce développement et le soutien
bienveillant du Roi, Francine finit par s'endetter pour maintenir
le théâtre à flot. A partir de 1695, il eut comme adjoint
pour la gestion financière Louis Guignard de Belleville. En 1698,
son privilège fut reconduit pour dix ans. L'entreprise continua
tant bien que mal jusqu'en 1704, date à laquelle Francien choisit
de vendre son privilège à Pierre Guyenet.
Guyenet
Pierre
Guyenet était conseiller du roi et receveur général et payeur
des rentes assignées sur les aides et gabelles de la ville
de Paris, une sorte de percepteur. Il s'était engagé à honorer
les dettes de son prédécesseur. Bien qu'il eut l'idée d'un certain
nombre de nouveauté pour faire entrer l'argent dans la caisse
(abonnements, vente des oeuvres complètes de Lully), l'entreprise
le ruina, et ses créanciers, qui avaient hérité du privilège,
firent à nouveau appel à Francine.
Pas
plus qu'avant, malgré le soutien du Roi et de nouvelles initiatives,
comme la création en 1715 du Bal de l'opéra, il ne réussit à faire
de l'opéra une entreprise rentable. En 1728, Il céda sa place
à André Cardinal Destouches. Les directeurs se succédèrent ensuite.
En 1749, la direction fut confiée à la Ville de Paris. Entre 1776
et 1778, ce sont les Menus-Plaisirs qui gérèrent l'entreprise.
Malgré un pension annuelle accordée par le Trésor Royal, l'Opéra
ne devint jamais une entreprise florissante.
Les
Salles occupées par l'Opéra
1669 -
1672 - La salle du Jeu de Paume et de la Bouteille (aujourd'hui,
entre le 42 de la rue Mazarine et le numéro 43 de la rue de Seine.
1672 -
1673 : pas de lieux fixe. Les répétitions avaient lieu à
Versailles et les représentations étaient données dans les diverses
résidences royales.
1673 -
1763 : Théâtre du Palais Royal (ancienne salle de la troupe
de Molière).
1763 -
1770 : Le 6 avril 1763, un incendie ayant ravagé le Théâtre
du Palais Royal, la troupe alla s'installer au Tuileries.
1770 - 1781 :
Elle revint dans le théâtre reconstruit au Palais-Royal mais un
nouveau sinistre l'obligea à s'installer Porte Saint-Martin.
1781 -
1794 : Porte Saint-Martin.

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