L'Intermède

Par Louis de Cahusac

 


Intermède, s. m. (Littérat.) ce qu'on donne en spectacle entre les actes d'une piece de théâtre, pour amuser le peuple, tandis que les acteurs reprennent haleine ou changent d'habits, ou pour donner le loisir de changer les décorations.

Dans l'ancienne tragédie, le choeur chantoit dans les intermedes, pour marquer les intervalles entre les actes.

Les intermedes consistent pour l'ordinaire chez nous en chansons, danses, ballets, choeurs de musique, &c.

Aristote & Horace donnent pour regle de chanter pendant ces intermedes des chansons qui soient tirées du sujet principal ; mais dès qu'on eut ôté les choeurs, on introduisit les mimes, les danseurs, &c. pour amuser les spectateurs.

En France on y a substitué une symphonie de violons & d'autres instrumens.

Intermède, (Belles-lettres & Musique) c'est un poëme burlesque ou comique en un ou plusieurs actes, composé par le poëte pour être mis en musique ; un intermede en ce sens, c'est la même chose qu'un opéra bouffon.

Nous avons peu de ces ouvrages ; Ragonde, Platée, & le Devin de village sont presque les seuls que nous nommons. Les Italiens en ont une infinité. Ils y excellent. C'est-là qu'ils montrent plus peut-être encore que dans les drames sérieux, combien ils sont profonds compositeurs, grands imitateurs de la nature, grands déclamateurs, grands pantomimes. Les traits de génie y sont répandus à pleines mains. Ils y mettent quelquefois tant de force, que l'homme le plus stupide en est frappé, d'autres fois tant de délicatesse, que leurs compositions ne semblent alors avoir été faites que pour un très-petit nombre d'ames sensibles & d'oreilles privilégiées. Tout le monde a été enchanté dans la Servante Maîtresse de l'air a Serpina penserete ; il est pathétique, voilà ce qui n'a échappé à personne ; mais qui est-ce qui a senti que ce pathétique est hypocrite ? Il a dû faire pleurer les spectateurs d'un goût commun, & rire les spectateurs d'un goût plus délié.

Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.